Accueil


Le chamanisme



Dans son livre «L'art de rêver», Carlos Castaneda relate son initiation, auprès de don Juan, un sorcier Yaqui du Mexique.
Celui-ci explique :
«Le monde est comme un oignon, il a plusieurs peaux. Le monde que nous connaissons n'est que l'une d'entre elles. Parfois, nous traversons les limites d'une peau et pénétrons dans une autre: un monde, très semblable à celui-ci, mais pas le même».
Selon cet enseignement, la perception humaine se fait grâce à un point d'assemblage. Déplacer ce point d'assemblage permet de percevoir d'autres mondes.

«Selon lui les sorciers d'antan fondèrent l'art de rêver sur cinq conditions qu'ils virent dans le courant d'énergie des êtres humains.
 En premier lieu, ils virent que seuls les filaments qui passent par le point d'assemblage peuvent être assemblés en une perception cohérente.
 En second lieu, ils virent que si le point d'assemblage est déplacé à un autre endroit, aussi infime que soit ce déplacement des filaments d'énergie différents et inhabituels passent à travers lui. Ces filaments affectent la conscience et forcent l'assemblage de ces champs d'énergie inhabituels à former une perception stable et cohérente.
 Troisièmement, ils virent qu'au cours de rêves ordinaires, le point d'assemblage se déplace facilement de lui-même sur une autre position à la surface ou à l'intérieur de l'oeuf lumineux.
 Quatrièmement, ils virent que l'on peut faire bouger le point d'assemblage en dehors de l'oeuf lumineux, dans 1'immensité des filaments d'énergie de l'univers.
 Et, cinquièmement, ils virent qu'avec une certaine discipline il est possible de cultiver et d'accomplir, au cours du sommeil et des rêves ordinaires, un déplacement systématique du point d'assemblage.»



Ces expériences de décorporation, d'état de conscience modifié et de perception de réalités différentes ne sont pas sans rappeler les récits de NDE (Near Death Experience), narrés par les personnes qui, déclarées cliniquement mortes, ont été réanimées, et rapportent ce qu'elles ont vu, aux portes de la mort.

Sur cette gravure du XVIIIe, les bois sur la tête de ce chaman tougouse indiquent que par la transe,il peut devenir renne.
Le chamanisme : une technique onirique

Le chamanisme n'est pas une religion : c'est une pratique, une technique, qui permet un «vol spirituel» d'ordre onirique.
Souvent à l'aide d'hypnotiques ou d'hallucinogènes, le chaman se décorpore et entre en contact avec des entités spirituelles de nature totémique.
Le chaman est un médiateur entre les hommes et les esprits des dieux ou des animaux.
Ses interventions peuvent donc être sollicitées dans de nombreux cas.
En cas de pénurie de gibier, le chaman entre en transes, et son esprit, libéré de son corps part à la rencontre de l'esprit tutélaire des animaux. Une fusion de type totémique -un être humain pouvant être placé sous la protection spécifique de tel ou tel esprit de forme animale et entretenant avec cet esprit des relations privilégiées- peut avoir lieu.
Le chaman est aussi guérisseur, voyant, devin.

Pour que son esprit puisse quitter son corps et rejoindre le monde éthéré des esprits protecteurs qu'il sollicitera, le chaman absorbe des psychotropes hallucinogènes.

grotte des Trois-Frères en Ariège

Suite de l'article sur le chamanisme préhistorique.
Cliquez là.
Une pratique multi-millénaire

Des preuves ont été retrouvées, attestant de la pratique du chamanisme au moins dès le Paléolithique.
Nombre de grottes étaient le lieu de cérémonies rituelles, et leurs parois peuvent être décorées de figures mi-humaines, mi-animales, comme le célèbre "sorcier" de la grotte des Trois-Frères, en Ariège.


grotte des Trois-Frères en Ariège


Le chamanisme celtique


Suite de l'article sur le chamanisme nordique
Cliquez là.

Source : Jean Markale, «Les mystères de la sorcellerie», Pygmalion, 1992

«La Sorcellerie germanique, tout en conservant une structure mythologique fort précise, se réfère davantage au Chamanisme qu'à la sorcellerie de village à l'occidentale. Le fondateur mythique de la Magie et de la Sorcellerie est le dieu Odhin lui-même, cet éternel errant toujours coiffé d'un chapeau, et qui rôde à travers les humains pour les engluer dans ses épreuves et ses pièges. Sa science, que les auteurs chrétiens traitaient de superstition, mais qu'ils considéraient néanmoins comme maudite, Odhin la devait, traditionnellement, à une épreuve iniitiatique qu'il avait subie en se pendant lui-même à une branche du fameux frêne Ygddrasil, cet « arbre de la Connaissance » des Germano-Scandinaves, et qui se révèle également un arbre sacré chez les Chamans d'Asie centrale et orientale, au même titre que le bouleau:

« Je sais que je pendis à l'arbre battu des vents neuf nuit pleines, navré d'une lance et donné à Odhin, moi-même à moi-même donné, - à cet arbre dont nul ne sait d'où proviennent les racines... Alors je me mis à germer et à savoir, à croître et à prospérer, - de parole à parole la parole me menait, d'acte en acte l'acte me menait. »
Les religions de l'Europe du Nord Fayard-Denoël,1974
Odhin est donc en possession d'une Science occulte et parallèle. Il maîtrise les énergies qui permettent d'agir sur l'univers, en bien et en mal: « Odhin changeait de forme. Alors, son corps gisait comme endormi ou mort, mais lui était oiseau ou bête, poisson ou serpent, et il allait en un clin d'oeil dans des pays lointains pour ses affaires ou pour affronter d'autres hommes. »

La description donnée ici correspond exactement à celle de l'extase chamanique: il s'agit d'une sorte de dédoublement, le corps demeurant immobile à la même place, dans un songe profond; et l'âme, ou le corps subtil, comme on voudra l'appeler, s'en va errer dans les domaines mystérieux de ce monde-ci ou de l'Autre Monde.»
Odin



Le chamanisme contemporain


En Corée du Sud

Témoignage publié par Géo en juillet 1988

«Beaucoup croyants recherchent félicité et harmonie auprès des prêtres, médiums et autres chamanesses (mudang) qui savent parler aux esprits. Ces dernières sont au nombre de cinquante mille, vont et viennent, à travers le pays, afin de pacifier un défunt qui tourmente une famille, d'éloigner le mauvais sort ou la maladie qui s'acharnent sur une autre, de conduire une âme en peine à son repos éternel.
Ce matin, un veuf a demandé un kut, une cérémonie d'exorcisme destinée à apaiser «l'esprit» de sa femme défunte. Car son fils, converti au catholicisme, ne lui a pas rendu correctement ses devoirs. Alors que le jeune homme se morfond, les yeux baissés, deux chamanesses s'emploient depuis l'aube à calmer l'esprit tourmenté de la mère, par des offrandes, de la musique, des danses et une communication permanente avec le monde des errants. Successivement Mme Park revêt les attributs de plusieurs divinités. Elle essaye de les intéresser au sort de la malheureuse. Le kut peut durer plusieurs heures, voire même plusieurs jours. Bonne comédienne, Mme Park dramatise son entrée en relation avec les mondes intermédiaires et celui des morts. Lorsque les transes gagnent la chamanesse, la défunte lave par sa bouche le linge sale des membres de la famille encore en vie et distribue compliments et réprimandes d'une voix rauque... On pleure, on crie. La maîtresse de cérémonies trépigne et danse nu-pieds sur les sabres. Elle a dénoué le voile des difficultés qui rattachait encore la morte au monde des vivants. Adieu. Tout le monde fond en larmes, s'accuse et s'excuse. Mme Park souffle: elle a enfin réussi à conduire le trépassé dans son univers.
Le temple chamanique ressemble beaucoup au temple bouddhique: abondance d'offrandes sur l'autel et sur les murs, multitude d'images accrochées.»
Hit-Parade