Les rêves dans la Grèce antique



Esculape Dans la Grèce antique, on avait érigé des temples dédiés à Esculape et à la divination onirique.

Esculape ou Asclépios, considéré comme étant le fils d'Apollon, tenait un rôle important dans le culte solaire et fut instruit par le centaure Chiron. Sa représentation symbolique, transmise au fil des siècles, est le serpent.

On utilisait dans ces temple la technique de l'incubation. Après avoir suivi un système compliqué de préparation au rêve, le sujet dormait dans le temple. Au cours de la nuit, il recevait, sous une forme onirique, les réponses à ses demandes.

Durant l'incubation, les rêveurs étaient soumis à un régime strict, qui éliminait la viande et le vin, et ils devaient s'abstenir de toute activité sexuelle. Le corps devant être parfaitement propre, il fallait se laver à l'eau froide. On exécutait ensuite des rites spéciaux (actes propitiatoires envers les divinités).

Le rêveur était oint de substances spéciales et l'on procédait dans les lieux à des fumigations d'herbes magiques. Les femmes enceintes et les personnes malades ne pouvaient pas pénétrer dans le temple pour préserver celui-ci des influences néfastes.

On érigeait des statues aux dieux du sommeil et des rêves, et, pour finir on se couchait dans une grotte qui servait de dortoir et où nichaient de gros serpents jaunes.

Au réveil, de nombreux sujets avaient reçu en rêve la visite des divinités et trouvé réponse à leurs demandes, qui concernaient généralement la santé et les soins à effectuer. Parfois certains rêveurs étaient guéris directement par le dieu durant le rêve.
Le temple d'Epidaure connut également une grande renommée; les personnes qui y étaient invitées offraient aux divinités des tablettes votives, une tradition qui existe encore aujourd'hui dans l'église catholique.

Avec la technique de l'incubation, le rêveur comprenait le motif de sa maladie, considérée comme un châtiment des dieux, dû aux fautes du rêveur. C'est l'ancienne formule de l'action et de la réaction qui, en Orient, a pris le nom de Karma.

La divinité acceptait le rituel de l'incubation comme un acte de repentir et suggérait en échange les soins appropriés.

Les dalles du temple étaient taillées dans la pierre noire d'Éleusis. Au fronton paraissaient des Centaures, hôtes familiers des antres et de la nuit. Une colline que couvrait une futaie et où se creuse toujours l'hémicycle du théâtre, dominait l'enceinte sacrée : c'était le Kynortion, ou mont des Chiens, car les chiens qui furent les compagnons démoniaques d'Hécate, qui avaient veillé, avec les bergers, sur la prime enfance d'Asclèpios et savaient lécher les plaies et les ulcères, associaient une symbolique de salut à celle de la mort.

La cure des maladies y était, en effet, obtenue dans le sommeil et le rêve et exigeait une sorte de descente figurée et mystique aux royaumes infernaux. Nous pouvons encore porter nos pas dans les ruines de l'Abaton, double galerie à deux étages où s'opérait le rite de l' « incubation ». Purifiés par le jeûne et les ablutions, les patients, une fois accomplis les sacrifices du soir, allaient s'allonger sur des lits de feuillage, le long des portiques dont les prêtres éteignaient les lampes. La guérison était conçue comme un événement intérieur, crise salutaire aux bords des abîmes oniriques, où un dieu obscur venait instruire le suppliant à regarder en lui-même et à discerner dans son inconscient les sources de son mal.
Le théâtre d'Épidaure


Des inscriptions et des reliefs votifs nous renseignent sur les visions dont avaient été favorisés quelques-uns des miraculés.

« De la tumeur rongeante qu'avait Pamphaes dans la bouche : Pamphaes alla dormir dans la chambre du temple et rêva que le dieu lui ouvrait la bouche, lui tenait la mâchoire écartée avec un coin et procédait à un curetage : aussitôt il fut guéri

De même pour l'homme qu'affligeait à l'orteil un abcès malin :
« Les serviteurs l'amenèrent et le placèrent dans un fauteuil. Lorsque le sommeil s'empara de lui, un serpent sortit du lieu saint et lui lécha le pied; après quoi il retourna dans sa retraite. L'homme s'éveilla, constata sa guérison et raconta qu'il avait vu en songe un bel adolescent enduire son orteil d'un onguent. »
Par l'hypnagogie le malade acquiert l'expérience immédiate de l'acte sauveur consommé dans ses entrailles.

Il arrivait aussi que le dieu se fît procréateur:
« Nikèsibule de Messène s'étant endormie dans le sanctuaire en exprimant le voeu de devenir mère, Paeèôn lui apparut; il était suivi d'un serpent auquel elle s'unit. Au cours de l'année elle mit au monde deux enfants mâles. »

Passons sur l'histoire du bancal que le dieu foule aux pieds de ses chevaux, jusqu'à lui redresser les jambes; celle de Clinatas de Thèbes, qui, couvert de vermine, se voit libéré de ses parasites à coups de balai; celle de la femme hydropique de Lacédémone dont le dieu coupa la tête et qui, les pieds suspendus aux poutres du temple, laissa échapper par son cou béant l'eau de son abdomen; celle de l'incrédule guérie malgré ses blasphèmes et malignement invitée à déposer en ex-voto un porcelet d'argent, pour prix de sa sottise.

L'épigraphie épidaurienne forme le plus riche répertoire de songes thérapeutiques.
Avant que les surréalistes n'eussent entrepris leur prospection, nul n'était allé aussi loin dans les dédales d'Hypnos.

Source : «Sages et Mages», Marcel Sendrail, Éditions Hachette, 1971.
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